EDITORIAL  (N° 49)

par Pascal Dupuy

 

20 heures. Un soir d'hiver 1993. Une sonnerie de téléphone retentit. Je décroche et au bout du fil un interlocuteur célèbre me parle. Emu à l'écoute du nom de la personne, je balbutie en apprenant qu'elle accepte volontiers d'être notre invité dans un prochain numéro. Pendant plus de dix ans, l'auteur m'écrira régulièrement pour me dire ses impressions et surtout me transmettre ses encouragements à chaque fois.

Cet homme, un des plus grands poètes de la fin du XXe siècle et du début du XXle siècle, vient de disparaître à l’âge de 91 ans. Il nous quitte dans la discrétion, en laissant une œuvre remarquable derrière lui. Il rejoint au paradis des poètes Paul ELUARD et René CHAR qu'il affectionnait et qui l'ont salué à ses débuts où il fut influencé aussi par Paul REVERDY, Pierre-Jean JOUVE et Max JACOB.

Il s’adonnera très jeune à la poésie mais sera aussi romancier, essayiste, auteur de pièces radiophoniques et traducteur des sonnets de William SHAKESPEARE, des oeuvres de BLAKE, sans oublier de nombreux poètes hongrois, américains, slovaques et portugais qui lui doivent beaucoup. Conférencier, il se rendra à travers toute l’Europe où ses nombreux déplacements l'amèneront à s’interroger sur l'identité de notre vieux continent.

Il s’opposera au régime de VICHY et s'engagera dans la Résistance. Il rencontrera alors des poètes qui ont moins de trente ans comme lui, avec en commun la même foi en la Liberté: Marcel BEALU, Luc BERIMONT, Jean BOUHIER, Michel MANOLL et René Guy CADOU.

  « Si la poésie m'abandonnait, je ne pourrais plus me regarder en face » avouait-il modestement. L'homme a toujours estimé que « Ecrire est une fonction ». On serait tenté de lui appliquer cette parabole de Jean Paul SARTRE : « Ecrire, c'est survivre ».

L'œuvre du grand poète poitevin, qui s'était retiré dans une enclave de la forêt de MARLY, ne laisse pas de marbre. Gérard PARIS estime que cette poésie « navigue à vue entre la boulimie de l'impensable et la constance démentielle de la vie.» Pour Jacques MORIN, elle est « un mélange d'extrême culture et du souci du petit détail de la vie quotidienne ». Enfin, Jean BRETON la définit comme « imagée, rude, virile, parsemée de mots du jour et de formules familières comme pour ne pas trahir un vécu difficile et combatif ».

  Alain BOSQUET avait écrit que « trois générations de poètes lui doivent d'avoir un jour ou l'autre été découverts : une fameuse bataille ».

Grâce à vous, cher Jean ROUSSELOT et le soutien apprécié d'autres grands poètes comme Andrée CHEDID et Jean L 'ANSELME, je continue à me battre pour la poésie et sa reconnaissance, entouré d'une équipe fidèle et dévouée, sans esprit de chapelle. Merci d'avoir été si proche. Nous ne vous oublions pas.

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Pascal DUPUY  est Directeur de la publication et Rédacteur en Chef de Poésie sur Seine.

Il vient de publier un recueil Un étranger vêtu de nuit, qui a été remarqué

 par la critique (Librairie-Galerie Racine éditeur).  

 

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